Comment protéger les Collectivités Locales de la hausse des prix de l’Energie ?

Depuis septembre 2021, nous subissons un emballement historique des prix des énergies. Cette hausse historique ne peut malheureusement plus être qualifiée de conjoncturelle. Les collectivités locales sont touchées de plein fouet, devant faire face à des augmentations comprises entre 30 et 300 %. Ce sont l’ensemble des Services Publics locaux qui sont mis en danger !

Au cours des dix dernières années, les prix du gaz domestique ont augmenté de plus de 40 % pour les usagers particuliers, depuis l’été 2021 ces prix connaissent une hausse particulièrement inquiétante : plus de 8,7 % en septembre, ce qui fait suite aux augmentations de 5 % en août et de 10 % en juillet, soit un bond de 300 € de la facture annuelle de gaz entre les mois de juin et septembre 2021. Cela sans compter l’augmentation de 12,6 % d’octobre 2021.

Même constat pour les prix de l’électricité qui connaissent une hausse continue depuis plus de 10 ans (plus de 52%) et tout comme pour le gaz, ces prix continuent de flamber et auraient pu connaître un pic de +30% en février 2022 (au lieu des 6% initialement prévus par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) après une augmentation de 1,6 % en février 2021 et de 0,48 % en août).

Pour plus de 90 % des petites villes, il va bientôt falloir choisir entre fermer plus souvent la salle des fêtes, la piscine, ou baisser le chauffage dans les écoles. Il faudra peut-être aussi renoncer à faire fonctionner certains équipements sportifs ou supprimer un éclairage public nocturne. De plus, cela aura aussi un impact sur le traitement de l’eau, la gestion des déchets et ce ne sont que quelques exemples.

Aujourd’hui, beaucoup d’élus s’y refusent, mais à quel coût et pendant combien de temps vont-ils tenir ?

Aujourd’hui, ce sont tous les services publics locaux essentiels qui sont mis en danger. Les prévisions budgétaires de ces communes vont se heurter au mûr de la réalité. Il sera nécessaire de prévoir sur le poste de fonctionnement une dépense pour les énergies parfois 3 à 4 fois supérieure à celle de l’année précédente.

Concrètement, certaines communes se retrouvent avec un coût supplémentaire pouvant aller jusqu’à 500 000 euros en 2022.

Les communes ne sont pas les seules concernées. Pour certaines régions, cette hausse pourrait atteindre près de 7 millions d’euros en raison de la facture d’énergie des lycées et autres bâtiments. Pour certains départements, un surcoût de plus de 500 000 euros est à prévoir pour les collèges.

Toutes les collectivités seront confrontés aux mêmes difficultés.

Ces dernières consacrent en effet une part importante de leur budget pour financer les dépenses énergétiques de leurs bâtiments, plus spécialement les établissements scolaires. A titre d’exemple, baisser le chauffage de 1 degré dans les bâtiments ne diminuera la facture que de 7 à 10%.

Sans recettes supplémentaires les élus locaux n’auront pas d’autres choix que de limiter d’autres postes de dépenses puisque contrairement au budget de l’Etat, ceux des collectivités locales doivent être à l’équilibre.

Depuis plus d’une dizaine d’année, le contexte budgétaire toujours marqué par une asphyxie financière des collectivités, qui ont subi les baisses drastiques de dotations, puis une fausse stabilité ainsi que la suppression d’impôts locaux à pouvoir de taux, ce à quoi s’est ajoutée la crise liée au covid-19, nous ne pouvons les laisser dans cette situation intenable. Sans compter la future probable suppression de la CVAE (Contribution sur la Valeur Ajoutée des Entreprises).

Sans action de l’État, ce  » tsunami budgétaire  » se répercutera inévitablement sur le quotidien des habitants : hausse d’impôts d’un côté ou baisse de l’offre de services de l’autre. Aucune de ces solutions n’est satisfaisante pour personne. Elle risque de renforcer le rejet de la  » chose publique « , renforcer le sentiment de déclassement et in fine apporter mécaniquement des suffrages au Rassemblement National qui sait très bien  » surfer  » sur ce genre de vague.

Les dernières annonces : gel des prix du tarif réglementé de vente de gaz (TRVG), baisse annoncée de taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, obligation pour EDF de vendre plus d’électricité à bas coût aux fournisseurs concurrents pour limiter la hausse à 4 %, risquent malheureusement de ne pas être suffisantes pour assurer la continuité de ces services publics.

En effet, si 60% des particuliers ont accès aux tarifs réglementés de vente sur l’électricité, seules les petites collectivités de moins de 10 salariés et avec des recettes inférieures à 2 millions d’euros, peuvent encore avoir accès aux tarifs réglementés de vente. Pour les autres, elles doivent depuis 2015 avoir recours à des offres de marché sur des contrats d’un à trois ans.

De plus, pour le gaz, les tarifs réglementés de vente ne sont plus accessibles aux collectivités.

Les collectivités locales ne disposent aujourd’hui d’aucune possibilité d’absorber ces augmentations, sauf à les répercuter auprès des usagers des services publics et des contribuables locaux. Dans un contexte de forte tension sur les dotations aux collectivités et d’une baisse majeure de leur autonomie fiscale, celles-ci ne pourront résister.

Afin de préserver les services publics mais aussi les investissements locaux essentiels à la reprise économique et à la transition écologique, les collectivités doivent être accompagnées au même titre que les entreprises et les particuliers.

Les collectivités locales ne peuvent demeurer exclues de l’action de l’État face à la hausse de l’énergie. Nous pourrions imaginer des solutions immédiates sous la forme d’un fonds d’urgence de compensation de cette hausse historique ou d’un blocage des prix.

Sur le plus long terme, il faut créer les conditions afin que les collectivités bénéficient d’une protection durable dans le temps, afin de ne pas être constamment menacées financièrement par les aléas du marché de l’énergie.

Des marges de manœuvre existent puisque les profits des fournisseurs d’énergie ont explosé en 2021 et leurs actionnaires en ont pleinement bénéficié. Pour Total, c’est 7,6 milliards d’euros de dividendes versés l’an dernier, pour Engie 1,3 milliards. Face à la précarité énergétique et la hausse généralisée des prix, l’État pourrait trouver facilement des financements en taxant exceptionnellement ces entreprises. Il n’est pas admissible que seule EDF ait été mise à contribution pour financer la protection des usagers et des entreprises alors que dans le même temps les grands groupes énergétiques ont versé des dividendes record.

Alors que le financement des aides aux collectivités devrait être la priorité du gouvernement, ce dernier joue la montre et les collectivités locales sont encore une fois les variables d’ajustement des comptes publics.

Au vu de la catastrophe sans précédent qu’a été la libéralisation du secteur de l’énergie, il est indispensable que le gouvernement renonce à la fin des tarifs réglementés de vente du gaz en 2023 et que les collectivités qui le souhaitent puissent y avoir accès.

Rappelons nous que la réglementation des tarifs de l’électricité et du gaz constitue un héritage historique de la loi de 1946 ayant institué un service public de l’énergie, elle est la marque de l’intervention publique dans un secteur hautement stratégique. Cette intervention trouve sa raison d’être dans la nécessité de préserver la compétitivité économique des entreprises, le pouvoir d’achat des ménages et l’égalité territoriale.

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